08 décembre, Cervières

Boogly

Pas facile de choisir un spot de snowkite en ce lundi 8 décembre, il n'y a pas de neige sur nos spots près de Grenoble.
Gauthier m'avait prévenu depuis plusieurs jours : "Lundi, il y aura du N/O, on ira à Cervières ou Queyras".
Et je ne sais pas dire non.
Donc j'avais tout préparé depuis plusieurs jours.
On devait confirmer la veille et Gauthier me dit que la route jusqu'aux Fonts de Cervières est ouverte, praticable, on peut décoller en kite depuis le hameau, en haut c'est tout en poudreuse, le vent est annoncé, le domaine kitable est énormissime.
Les Fonts de Cervières, ça s'écrit avec un t à la fin et pas un d, car le nom ne vient pas du fait que c'est tout au fond de la vallée de Cervières, mais que c'est le village des fontaines, font en ancien Français est synonyme de fontaine, source, résugence.
Je mets le réveil à 5h, je décolle à 5h30 et je suis au hameau des Fonts à 9h, oui vous avez bien compté, ça fait 3h30 de route. C'est le tarif.
J'en vois déjà qui ricannent car oui, on peut y arriver plus vite, pas de problème, mais alors en étant tout le long du trajet entre 20 et 40km/h au-dessus des limitations de vitesse, comme le font beaucoup de mes copains snowkiteurs, sauf que moi si je fais ça, je perds mon permis en un seul trajet.
Déjà que lors de ma dernière sortie au Lautaret, en rentrant, nuit tombante, j'ai dû m'arrêter derrière un camion qui stoppait au milieu de la route, vers les grandes lignes droites après Bourg d'Oisans, y a une succession de petits hameaux, vous voyez à peu près où ? Il y avait des voitures en face, donc je m'arrête. Plusieurs voitures derrière moi, je vois leurs phares dans mon rétro. Le camion allume ses warnings, le gars descend, il ouvre le hayon arrière, on voit qu'il va faire une livraison aux maisons sur la droite. Y a plus de voitures en face, on voit à deux km devant, personne, un coup d'oeil dans le rétro, les voitures sont arrêtées derrière moi, je mets le clignotant, je déboîte tout doucement, passe le camion, je me rabats sur la voie, j'ai pas fait 100m, deux motards gendarmes me rattrapent (je les avais pas vus dans mon rétro avec la nuit parmi les phares arrêtés), ils me font signe de me garer. Le gendarme me demande si je sais pourquoi il m'arrête, je réponds que oui, je viens de passer le camion, mais j'ai été prudent, j'ai mis le clignotant, j'ai fait attention, y avait personne sur la voie en face. Il me répond :"Monsieur, vous n'avez pas bien regardé, il y a une ligne blanche continue au sol". J'essaie de dire que le camion effectuait une livraison, il me répond que l'on ne doit en aucun cas franchir une ligne blanche continue. Bilan : 3 pts en moins et 135€ d'amende. Le genre d'épisode qui fait partie du snowkite, vu qu'on passe des centaines d'heures sur la route durant une saison pour notre sport "écologique".
Donc, je résume, 3h30 pour aller de chez moi dans le Vercors jusqu'aux Fonts de Cervières.
Au passage, j'ai pu voir que à Briançon, un car scolaire s'est arrêté au milieu de la route pour prendre les écoliers, deux autres cars scolaires derrière lui l'ont dépassé en franchissant la ligne blanche, bien qu'il y avait des voitures en face qui ont dû s'arrêter. On referme la parenthèse, c'est pas un CR sur la sécurité routière.

Le village de Cervières / Sarviéro.

Les petites maisons d'où généralement on déplie la voile en hiver après 1h30 de podfok, là on y accède par une piste praticable, on voit que l'enneigement sur les hauts du spot est vraiment super.

La route qui mène aux Fonts de Cervières est magnifique et normalement accessible pour le snowkite uniquement au printemps, c'est une grand chance cette année d'avoir ce créneau favorable.

Et voici le hameau des Fonts de Cervières, avec le Pic Lombard devant.
Pour ceux qui ne connaissent pas, les secteurs à gauche en direction du Col du Lombard, et à droite, sont vraiment immenses et pas trop trop difficiles d'accès si le vent N/O est bien présent.

Aux Fonts de Cervières, magnifique endroit des Hautes-Alpes, y a pas de vent…
Si, y a un brin d'air, qui descend depuis le Col du Lombard, comme si le vent était en fait N/E.
Gauthier arrive, il dit que hier (il était venu en reconnaissance) c'était pareil, vent N/E donc descendant ici, mais aujourd'hui toutes les météos annoncent N/O donc ça va arriver.
On décide de monter dans la pente du Lombard pour "trouver" le vent plus haut.

Gauthier et Thérèse en podfok et moi à pied car la neige est béton avec juste 10cm de poudreuse, ça va très bien pour marcher sans podfoks (que je n'ai pas emportées).
Plus haut, le vent "semble" être plus travers que descendant, on déplie les voiles, on a déjà échaffaudé notre itinéraire de la session si le vent se maintient, on va rejoindre des espaces immenses plus haut, mieux orientés, ça va être la gavade.

Belle vue sur la vallée vers Cervières et le hameau des Fonts d'où on est partis à pied.

Là, il se produit un phénomène qu'on connaît tous, c'est à dire que le "vent" qu'on sent au sol, environ 8-10 knds, ne "souffle" plus du tout à 5m de haut…
Donc la voile de Gauthier se lève bien, d'ailleurs elle se lève toute seule car au sol le vent est solide, mais une fois en l'air, elle retombe sans plus aucun souffle d'air pour la faire voler.

Dans les pentes du Pic Lombard. Vent travers/descendant.

Bon, ça va pas, Gauthier est persuadé que le vent n'est pas N/E comme je le dis mais qu'il est en fait trop Ouest… et qu'on ferait mieux d'aller à Cervières classique, vers les crêtes de Dormillouse, spot habituel du secteur.
On plie, on redescend en skis jusqu'au hameau des Fonts, et les Ride-Up arrivent, super motivés, ils sont sûrs que le vent N/O annoncé va arriver, ils préfèrent attendre ici que ça s'oriente mieux.
On va à Cervières spot classique.
On laisse ma voiture aux Fonts, et on part avec le Combi de Gauthier, car son idée est que si ça marche, on longera les crêtes de Dormillouse dans la top poudreuse qu'on voit, on rejoindra les Fonts et le Lombard avec ce circuit monstre, sans craindre de "perdre le vent" car dans ce cas on aura ma voiture ici et pas le risque de devoir faire le retour à Cervières à pied, puis on continuera la session en exploitant les secteurs autour du Lombard.
Un plan que l'on peut pas avoir en hiver car si le vent tombe, le retour depuis les Fonts en podfok est impensable.
Voilà un excellent plan pour aujourd'hui en tous cas.
Un fois garés aux petites maisons au pied du spot Cervières, on voit sur les hauteurs Hugues et Cédric qui sont déjà montés à pied.
Il serait possible ici de déplier direct, y a assez de neige même si c'est mince, mais y a pas de vent.
Si !!! Y a du "vent" en fait, le même qu'aux Fonts, c'est à dire descendant la vallée de Sud vers Nord, assez fort ici d'ailleurs, mais c'est pas avec un vent comme ça qu'on va pouvoir monter les pentes parsemées d'arbres et canyons.
Donc nous voilà partis à marcher doucement pour "sortir" des bosquets de mélèzes et peut-être déplier plus haut.
Sauf que l'on voit Hugues et Cédric à mi-pente (ça fait déjà une bonne marche à se taper) qui sont debout près de leurs voiles au sol, qui ne kitent pas, donc ça sent pas super cette histoire.
C'est pas grave, y a pas d'autre option, on tente le coup, il est environ 11h, le vent Ouest peut débouler d'un moment à l'autre.
Une fois à mi-pente, nous on a pris plus à gauche que Cédric et Hugues, on "sent" du "vent", qui est plus travers que descendant... On déplie, et là... même phénomène qu'aux Fonts, le vent au sol (8-12 knds) est absent dès que la voile monte à 5m de haut. Elle se ramollit et retombe au sol où elle retrouve le "vent", remonte, puis redescend. Bref, c'est pas gagné.

La neige est tellement super extra, 15-20cm de poudre ultra légère sur une sous-couche bien tassée, un plaisir incroyable à skier, on attend avec l'espoir que bientôt on va pouvoir tracer ces belles pentes juste là devant nous.

Bon, mais au bout d'un (long) moment, on décide de replier les voiles, monter un peu plus haut à pied.
Plus haut, on sent le "vent" qui s'est remis en route à fond. Là c'est sûr et certain qu'on va réussir à monter avec un top vent pareil, et ensuite, plus haut, il sera encore meilleur et on va tracer toutes les belles pentes devant nous.
Et là… pareil, vent absent à 5m de hauteur.
Donc on replie et on monte un peu plus haut à pied, dans l'espoir que... bla, bla, bla, etc...
Au bout d'un moment, Gauthier fait remarque que ça fait juste cinq fois aujourd'hui qu'on déplie et qu'on replie pour monter plus haut à pied.
Cinq fois, c'est pas beaucoup... (J'essaie de faire de l'humour pour détendre l'atmosphère de Cervières mais ça marche pas en fait).
On va attendre deux ou trois heures ici entre attentes et montées à pied un peu plus haut.

Ici une ènième tentative de méga session snowkite mais dans un vent absent à 5m de haut…
On voit que le "vent" est descendant, donc nullissime, alors que les prèvs annonçaient N/O c'est à dire un vent montant dans ces pentes devant nous.
Vous imaginez la session que ça pourrait donner.

D'autres kiteurs débarquent, ils sont sûrs que ça va marcher, toutes les météos annonçaient un bon N/0, idéal ici, y a pas de raisons.
Cédric et Hugues qui étaient au même niveau mais plus à droite, finissent par nous rejoindre.
Les Ride-Up : Johann, Wareck, Rémi, ont abandonné aux Fonts et sont là avec nous, eux aussi.
Le ciel est voilé légèrement, le vent se met en route à environ 2-5knds mais descendant complet, comme venant du N/E.
On lève un peu les voiles, on fait dix quinze mètres, les voiles retombent, on attend, on patiente, on temporise, on espère que ça va arriver, on discute, on fait semblant de rigoler, celui qui dit qu'on est bien mieux en montagne qu'au bureau n'est pas très loin de se recevoir ma main dans la figure...

Cédric Joubert et une de ses nouvelles FLYSURFER Peak 2, ici en 9m.

Une fois ou deux, très brèves, ça s'est mis un peu mieux dans l'axe de la montée, on y a cru, juste le temps que le "vent" reparte à la descente et ternisse le moral des troupes.

Voilà, à 15h le ciel se couvre tout gris, ça devient presque jour blanc.
Avec Gauthier on est les premiers à plier pour renoncer et redescendre à la voiture.
Hugues dit qu'il est un passionné du snowkite mais que ces derniers temps il s'est pris une bonne série de looses dans ce genre, malgré les prèvs météos, ou à l'inverse qu'il est souvent resté à la maison pour voir ceux qui sont allés au kite malgré des prèvs de mauvais temps couvert ou d'absence de vent mais qui ont réussi des sessions dont on rêve toutes les nuits… Il dit qu'il commence à en avoir sérieusement marre et qu'on comprend qu'après vingt ans que le snowkite existe on est toujours une malheureuse poignée à continuer à le pratiquer. Les gars objectifs, pragmatiques, cohérents, y a bien longtemps qu'ils sont partis vers des sports d'hiver moins aléatoires. Oui, mais comme le rectifie Cédric, ils ne connaîtront pas les méga sessions que l'on peut avoir parfois et qui n'ont aucun équivalent parmi les autres pratiques hivernales. C'est pas faux.
Une fois en bas, à la voiture, on voit que toute la troupe nous a rejoints.
Un trajet jusqu'aux Fonts pour récupérer ma voiture.
Et c'est parti pour la rentrée tranquille chez ma maison.
Départ des Fonts à 16h, arrivé chez moi à 20h.
Oui, ce matin la route était déserte mais là, la traversée de Briançon (entre autres) ainsi que toute la route du retour, tout s'est déroulé avec pas mal de circulation, ça rajoute un peu des minutes à la sauce déjà bien pimentée.
Il y a quand même un truc que je n'arrive pas à comprendre et qu'il faudra qu'on m'explique, mais tout au long du trajet de retour, j'avais la sensation heureuse d'avoir été dans un coin magnifique proche du Queyras, d'ailleurs j'ai fait des tas de photos souvenirs des maisons, des montagnes, des mélèzes, j'avais le sourire tout le long, et rassuré sur le fait que la prochaine sortie sera récompensée par une super session snowkite dans la poudreuse, avec des vols de pente dans tous les sens.
Si y en a un qui arrive à m'expliquer ça, il est fort.
C'est bien plus tard, dans la nuit, que j'ai pensé que moi, avec mes 7h30 de route pour "rien", j'allais pas retrouver la motivation de si tôt pour re-tenter l'expérience mais que mes copains, eux qui habitent à 10mn ou une demi-heure max du spot, eh bien dès demain ils seront sur le spot pour réussir la méga session d'anthologie.

Pour moi la session aura plutôt été du style "retourne dans ton logis".

:good

Boogly